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Enfin des publications!

 

Des résultats concernant des patients au stade ARC traités avec Pao pereira entre 1990 et 1991 viennent en effet d’être soumis, en janvier 1994, au comité de lecture d’un journal médical international, afin d’obtenir leur publication officielle (D. Donadio et coll., « Tolerance and Feasability of a 12 months Therapy Using the Antiretroviral Agent PB100 in Aids-related-complex Patients »).

Cette étude a été réalisée au CHU de Montpellier sur dix patients au stade ARC, durant une période d’un an. Dix autres patients n’ont pu être retenus pour cette publication dans la mesure où, bien qu’ils aient été traités sur plus d’un an, leurs bilans biologiques n’avaient pas été faits assez régulièrement pour être exploités statistiquement. Il s’agissait d’une étude pilote de phase II réalisée, rappelons-le, afin d’évaluer avant tout la tolérance de Pao pereira (1g/jour) chez des personnes séropositives au stade ARC.

Les résultats sur un an ne montrent aucune intolérance ni effet secondaire. On note une amélioration des lymphocytes T4 de plus de 100/mm3 (les T4 étaient au départ entre 200 et 400/mm3), une amélioration du rapport T4/T8 et une bêta-2-microglobuline qui est restée en dessous de 5 mg/l (le taux initial était de 3 à 4 mg/l). Enfin, sur les neuf patients suivis régulièrement, aucune infection opportuniste, ni tumeur, ne sont survenues.

Ces résultats sont largement suffisants pour qu’une étude randomisée de phase III débute rapidement. L’étude de Montpellier ne porte certes que sur dix patients, mais elle a l’avantage d’avoir été conduite sur une longue période (un an). Signalons que la plupart des études conduites en phase II sont réalisées sur une vingtaine de patients mais ne portent en général que sur des périodes de 3 mois. Cependant, et nous ne le redirons jamais assez, il est regrettable qu’une telle étude, effectuée entre 1990 et 1991, ne soit soumise à la publication que plus de deux ans plus tard. Que de temps perdu et d’interrogations inutiles (on peut comprendre qu’en l’absence de publication, certains aient pu penser que Pao pereira n’avait qu’une action limitée à l’in-vitro au laboratoire !).

De plus, nous avons pu avoir d’autres précisions concernant une partie des autres études in-vivo portant sur un nombre plus élevé de patients (63) traités sur une période plus longue (en moyenne 29,2 mois). Cependant, l’interprétation de ces résultats est plus délicate car il s’agit d’une étude rétrospective. Ce genre d’étude a en effet moins de valeur car l’analyse des résultats ne peut porter dans certains cas, pour certains paramètres, que sur un nombre plus restreint de patients (les patients qui n’ont pas eu d’analyse biologique faite régulièrement ou ceux qui ont été perdus de vue étant exclus). Les conclusions ne peuvent donc qu’être données sous réserve.

Nous avons donc pu avoir communication d’un rapport sur ces 63 dossiers cliniques, réalisé le 15.12.1993 sur la demande du Pr J. Cahn, mandaté par Abraxas Bio Labs. Ce rapport a été établi par le Dr Monique Herold (expert-toxicologue-pharmacologue agréé auprès du ministère de la Santé) et nous a été transmis par Monsieur Raymond Courbet, président du Collectif Cancer Sida1, association de malades créée récemment et qui soutient les thérapies issues des travaux du Pr M. Beljanski.

Cette étude porte sur 63 patients aux stades I à IV, traités par Pao pereira durant 29,2 mois en moyenne (extrêmes : 3 et 89 mois), à la dose de 500 à 625 mg/jour. Dix-neuf patients (30,1%) ont été perdus de vue, dix-huit sont décédés ; soit 40,9% après soustraction des sujets perdus de vue. C’est donc un pourcentage de mortalité de 13,6% pour les stades I, II et III (regroupés), et de 68,2% pour les stades IV ; ce qui est bien plus faible que pour des groupes comparables de la littérature.

Vingt-six patients ont survécu, soit 59,1 % de ceux qui n’ont pas été perdus de vue, avec une majorité de ceux au stade initial I, II ou III [19/22 soit 86,4%, et 7 sur les 22 au stade IV (31,8%)]. Insistons sur le groupe IV D (18 patients) : 27,8% sont vivants après avoir été traités 51 mois en moyenne, en notant que 61,1% sont décédés après 15 mois de traitement (dont un après arrêt du traitement).

Le nombre des lymphocytes T4 est resté stable chez les patients aux stades I, II et III, et on note une tendance à l’augmentation au-delà des 7 premiers mois de traitement : le taux moyen initial de 496 T4 est passé à 627/mm3 chez 21 personnes. Aux stades IV, les lymphocytes T4 semblent aussi se maintenir pendant 15 mois chez 12 patients sur les 15 encore en vie.

Pour interpréter ces résultats, il est utile de les comparer avec les moyennes de survie au stade Sida (inclus dans les stades IV). Cette moyenne de survie au stade Sida (en l’absence de prophylaxie pour les infections opportunistes) a été estimée, respectivement chez les homosexuels, les toxicomanes et les hémophiles2, à 14, 9,6 et 6 mois en l’absence de traitement, et à 19, 21 et 25 mois sous AZT (Retrovir).

Cette étude rétrospective apporte des précisions intéressantes, et particulièrement sur le groupe des patients au stade IV D (Sida avec sarcome de Kaposi ou lymphome non hodgkinien) dont les résultats nous paraissent d’autant plus importants qu’actuellement, en cas de lymphome, aucune thérapeutique n’a fait ses preuves. …nous avions l’impression que PAO pereira pouvait effectivement avoir un intérêt dans l’infection à VIH (en l’associant avec d’autres traitements), mais surtout dans le cas où ce traitement serait utilisé à un stade précoce. Ces résultats nous conduisent à préciser notre opinion. Le fait que des patients atteints par de telles tumeurs survivent dans 31,8% des cas sur une période de plus de deux ans nous fait penser que Pao pereira agit peut-être aussi par ses propriétés anti-tumorales. Un article vient d’ailleurs d’être publié fin 93 à ce sujet (M. Beljanski et coll.: PB-100: A Potent and Selective Inhibitor of Human BCNU Resistant Glioblastoma Cell Multiplication, Anticancer Research 13:2301-2308,1993). Ce résultat peut aussi s’expliquer par les conclusions de l’étude in-vitro réalisée en mars 1993 (le 13.2.1993 en fait) par Madame Chantal Damais à l’unité Inserm U-313 de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (unité rattachée au service du Pr Gentilini). Cette étude montrait que Pao pereira supprimait la sécrétion spontanée d’interleukine 6 à partir des monocytes de personnes séropositives. Rappelons que les taux d’interleukine 6 sont particulièrement augmentés en cas de lymphome ou de sarcome de Kaposi. Pour améliorer la fiabilité des résultats d’une étude rétrospective, il est nécessaire qu’elle puisse porter sur une période suffisamment longue, et surtout comprendre un nombre de personnes le plus élevé possible. Ce premier rapport, sur 63 dossiers, est déjà un élément complémentaire intéressant d’appréciation, mais l’utilisation des résultats des autres personnes qui ont reçu aussi ce traitement permettra de le rendre encore plus intéressant. Nous souhaiterions qu’ensuite ces résultats fassent l’objet d’un article qui soit soumis, comme l’étude de Montpellier, à un comité de lecture. La publication des études in vitro serait aussi souhaitable. C’est la meilleure façon d’informer la communauté scientifique et d’engager le débat su l’intérêt de Pao pereira.

Cependant, les résultats actuels sont déjà suffisants pour entreprendre une étude in-vivo de phase III. Cette étude réalisée sur un nombre suffisant de patients et sur une période d’au moins 9 mois se fera au mieux si l’on différencie un groupe asymptomatique et un groupe Sida. Concernant les stades précoces, dans la mesure où il a été prouvé que l’AZT n’agit pas plus qu’un placebo (Protocole Concorde, 1993), il n’existe pas actuellement de produit de référence pour établir une comparaison avec Pao pereira ; ce qui est maintenant le cas pour tout nouveau traitement à tester. Il ne reste donc que des études avec tirage au sort contre placebo (à ce stade, certains acceptent encore d’un point de vue éthique cette pratique, mais il ne faut pas oublier qu’il existe des cas asymptomatiques qui évoluent plus rapidement que prévu au stade Sida ; ce qui pose donc un problème d’éthique que l’on ne peut pas négliger), l’évaluation de l’efficacité se faisant sur plusieurs marqueurs biologiques et l’apparition ou non d’infections opportunistes.

Concernant les stades Sida (et ARC), la comparaison par tirage au sort entre un groupe AZT (à des posologies inférieures à 300 mg par jour) et un groupe prenant Pao pereira peut être avancée. Compte tenu de l’efficacité limitée, même à ces stades, de l’AZT, de la tendance actuelle à envisager des associations de traitements et du fait que certains pourraient être réticents à expérimenter dans un premier temps Pao pereira en monothérapie au stade Sida, on pourrait proposer dans un premier temps un protocole par tirage au sort du type : AZT + inhibiteur de protéase versus Pao pereira + inhibiteur de protéase (l’inhibiteur de protéase en monothérapie ne semble pas, en effet, donner les satisfactions escomptées, et semble plus intéressant avec l’AZT). Ce protocole pourrait d’ailleurs être aussi proposé pour les stades précoces. On pourrait comparer ces résultats avec ceux des protocoles en cours, testant les associations AZT + ddI et AZT + ddC, quand leurs résultats seront disponibles. D’autres protocoles pourraient être envisagés, mais cela n’est pas simple car cela pose la question de la méthodologie à choisir pour évaluer n’importe quel nouveau médicament en phase III dans le cadre très particulier et spécifique de l’infection à VIH.

Cette étude ne pourra se faire qu’avec l’aval du ministère de la Santé, et notamment de la Direction Générale de la Santé, de l’Agence du Médicament et de l’ANRS. Ces institutions officielles devront apporter leur soutien logistique et financier, sans lesquels rien ne pourra se faire.

 

Dr J. Avicenne

 

  1. « Collectif Cancer Sida », 65 rue Castil-Blaze, 84300 Cavaillon. Tél : 04 16 90 76 65
  2. Respectivement : G-F. Lemp et coll., JAMA, 263,1497-1540,1990; M-A Fish et coll., « New England Journal of Medecine », 323,15,1009-1014,1990 ; et M-V. Ragni et coll., « Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes », 5(2),120-126,1992.