Modes d’action. Limites des études in vitro.

(Institut de Recherche des Armées de Walter Reed)

 

Notre seule démarche est d’essayer d’étudier toutes les pistes de traitements du Sida. Actuellement, aucun traitement n’est suffisant à lui seul. Pao pereira nous semble maintenant une voie intéressante. Depuis plusieurs années, une polémique s’est engagée autour de la personne du Pr Beljanski, et en particulier sur son entourage, à une époque. Nous n’avons pas les moyens de juger des accusations portées sur les pratiques de qui que ce soit, et nous considérons que cela ne doit pas retarder l’appréciation des travaux de ce chercheur.

Il y a quatre ans, nous avions publié une lettre ouverte au ministère de la Santé, car nous souhaitions que les résultats des études in vitro en laboratoire de Pao pereira (PB100) et ceux des études de toxicologie soient divulgués, et qu’un essai officiel soit réalisé chez l’être humain si les précédentes données se révélaient intéressantes.

Il y a deux ans, alors qu’aucune donnée n’avait été divulguée officiellement, notamment à partir du ministère de la Santé, nous avions contacté le Pr Beljanski et l’avions convaincu de nous remettre les résultats des études concernant Pao pereira. Nous les avons publiés dans le Supplément de Sida Tout Va Bien N° 15 (STVB). Nous avions conclu que ce produit pouvait avoir un intérêt, mais qu’il ne devait pas dispenser les personnes de prendre, si nécessaire, des prophylaxies contre les affections opportunistes (comme le dit le Pr Beljanski lui-même) et, qu’en l’état des connaissances sur ce produit, il était préférable de l’utiliser en association avec d’autres traitements (de même dans le traitement de certains cancers, l’adjonction de ce produit à certaines chimiothérapies ou radiothérapies pourrait avoir un intérêt). Dans le Supplément de STVB N° 16, nous avions pu publier des résultats d’études de ce produit faites chez l’être humain de façon non-officielle et, à nouveau, nous en arrivions à la conclusion qu’il était justifié que des essais in vivo se fassent officiellement, avec l’aval du ministère de la Santé, de la DGS, de l’Agence du médicament et de l’ANRS.

Au mois de juin 94, l’ANRS a transmis à la presse ses conclusions sur des essais in vitro, réalisés à la demande du Pr Girard, Directeur de la DGS : contrairement aux résultats des travaux et des études réalisées initialement par d’autres experts hospitaliers, ces études concluaient à une efficacité insuffisante de Pao pereira et à une toxicité non négligeable. De ce fait, ces institutions ont considéré qu’une étude chez l’être humain ne pouvait pas être envisagée officiellement.

Des études in vitro viennent d’être refaites aux États Unis, dans un grand institut de recherche, qui démontrent l’efficacité de Pao pereira et son absence de toxicité. Ces études, dont nous allons exposer les méthodes et les résultats, ont, de plus, le mérite d’expliquer les résultats contradictoires obtenus au cours des précédentes études.* Nous aborderons ensuite le mode d’action supposé de Pao pereira.

Le Dr D.L. Mayers de l’Institut de Recherche des Armées du Walter Reed a été contacté pour expertiser un antiviral européen ; aucune précision ne lui a été donnée sur le nom et la nature du produit à tester et sur l’origine du mandataire. Le 6 juin, il a reçu 15 gélules répertoriées sous la dénomination SVM 1O139 SIE lot D395O (gélules préparées par Europhartec, identiques à celles qui avaient été remises à l’ANRS). Il a reçu aussi un 2ème échantillon (un flacon contenant le produit en poudre, purifié en laboratoire) et des recommandations concernant les antibiotiques à utiliser pour éviter la contamination bactérienne des cultures primaires qui doivent être infectées par le VIH *. Pour le reste, c’est le protocole de consensus ACTG/ DoD (études sur 7 jours sur des cultures de monocytes de sang périphérique) qui a été suivi.

L’étude a porté sur deux échantillons de Pao pereira et a comparé leur effet avec celui de l’AZT. Ont été utilisées comme souches de virus : deux souches 012 de laboratoire (l’une sensible à l’AZT et l’autre résistante) et trois souches prélevées chez des patients (29478, 29714 et 30373, dont deux se sont révélées résistantes à de fortes doses d’AZT). Les résultats, établis le 12/09/94, montrent que, sur les deux souches sensibles à l’AZT, l’activité des deux échantillons de Pao pereira, mesurée sur la production d’antigène P24, sont du même ordre que pour l’AZT. Pour l’échantillon purifié, la suppression totale de la production d’antigène P24 est obtenue avec des concentrations 2 à 3 fois plus faibles que celles nécessaires avec de l’AZT. De plus, contre les souches résistantes à l’AZT, Pao pereira inhibe toujours le virus (totalement pour deux souches, et presque totalement pour la troisième) à des doses inférieures à 0,5 mmole/ml. Enfin, l’étude de la toxicité cellulaire montre que son index de sélectivité (rapport de la concentration inhibant 50% des cellules saines sur la concentration inhibant 50% du VIH) est de 13 pour le premier échantillon, et de 20 pour le deuxième. Il faut donc en moyenne 15 fois plus de produit pour agir sur les cellules saines qu’il n’en faut pour arrêter totalement, in vitro, la multiplication du VIH (souche sensible ou résistance à l’AZT).

À plusieurs reprises, le Pr M. Beljanski a avancé que Pao pereira pourrait avoir une action sur le VIH et les virus apparentés, mais aussi sur les cellules cancéreuses, tout en respectant l’intégrité des cellules saines. Ces dualités d’actions sont maintenant sous-tendues par une explication qui nous paraît intéressante. Cette flavopéreirine possède un azote quaternaire chargé positivement, et un azote chargé négativement (bipolarité). Elle peut donc se comporter comme un zwitterion, c’est-à-dire réagir avec les rétrovirus, notamment le VIH dont la boucle V3 (qui joue un rôle essentiel dans le caractère pathogène du virus) est chargée positivement, mais également contre les cellules dont les membranes sont chargées négativement, comme c’est le cas de nombreuses cellules cancéreuses, à la différence des cellules saines.

Concernant l’action de Pao pereira sur le VIH, il faut ajouter qu’il se fixe, in vitro, de façon préférentielle sur les séquences de bases puriques (Poly G, Poly A) et très peu sur celles comprenant des bases pyrimidiques. Or, dans les boucles du génome (matériel génétique) viral du VIH, plus de 80 % des nucléotides comportent des bases puriques. Cela expliquerait l’aptitude de Pao pereira à bloquer la transcription et la réplication du génome du VIH (en se fixant sur l’ARN, qu’il soit porteur ou non de mutations) et donc sa multiplication et l’expression de son caractère pathogène ; ce qui se traduit par un blocage de la synthèse d’antigène P 24. Donc, Pao pereira agirait en se fixant sur l’ARN viral, empêchant que l’enzyme reverse transcriptase se fixe sur cet ARN, et que l’ARN soit transcrit en ADN proviral.

À ceci, il faut aussi ajouter le résultat publié dans la revue International Journal of Oncology (M. Beljanski et S. Crochet, 5, 873-879, août 1994) qui démontre que la production d’interleukine 6 n’est pas modifiée par Pao pereira dans les cellules saines, alors que les taux anormalement élevés dans les cellules tumorales de glioblastome sont normalisés. Ce résultat est à rapprocher de ceux réalisés le 13/2/93 par le Dr C. Damais (Inserm U-313, Pitié-Salpêtrière) où la suppression de la sécrétion d’IL6 à partir de monocytes de personnes séropositives avait été obtenue sous l’action de Pao pereira. L’IL6 est un facteur indispensable à la croissance des cellules, mais qui, dans le cas des cellules tumorales, est sécrété en excès, favorisant leur prolifération. De plus, il semble que les lymphocytes infectés par le VIH sécrètent aussi en excès de l’IL6 ; ce qui entraînerait leur auto-stimulation. Nous avons déjà avancé cette propriété (Supplément à STVB 16) pour expliquer que, dans une étude in vivo, près de 32 % des personnes atteintes par des sarcomes de Kaposi, où des lymphomes survivaient au delà de 2 ans (en l’absence de traitement, ce taux de survie est estimé de 6 à 14 mois). Or, les taux d’IL6 sont particulièrement augmentés dans ces tumeurs survenant parfois au cours de l’infection à VIH, et pour lesquelles les traitements classiques sont peu efficaces, en particulier pour les lymphomes.

Concernant la dualité d’action qui fait que Pao pereira ne pénètre pas dans les cellules saines, une publication vient d’en apporter une confirmation, montrant la pénétration du produit dans le glioblastome et aussi sa destruction (International Journal of Oncology, 7, 81-85, mai 1995).

Nous pensons donc qu’il est nécessaire que le ministère de la Santé envisage maintenant des études officielles in vivo de Pao pereira, et qu’il apporte son soutient logistique et financier pour que ces études soient réalisées dans des délais raisonnables.

Des informations complémentaires peuvent être obtenues en contactant le Collectif Contre le Sida (CCS, 18 rue de l’Île de France, 91680 Épinay-sous-Senart ; Tel/fax : +33 (0)1 60 46 98 57). En écrivant à l’association POSITIFS, les personnes qui le souhaitent peuvent obtenir une copie du rapport complet du Dr D.L. Mayers.

* Expérimentations.
Des règles faussées. Un danger ?

L’expérimentation in vivo, chez l’être humain, d’un médicament passe toujours par des études préalables in vitro, en laboratoire, de l’activité du médicament testé.

L’expérimentation in vitro de Pao pereira faite aux USA montre que les conditions de l’expérimentation peuvent influencer les résultats. En effet, le Dr Mayers a utilisé de l’érythromycine à la place de la pénicilline. Des antibiotiques sont toujours ajoutés dans ces études in vitro afin d’éviter la contamination bactérienne de la préparation en cours d’étude. Or, la plupart du temps, les expérimentateurs utilisent comme antibiotiques de la pénicilline, ou de la streptomycine (ou les deux à la fois) qui, semble-t-il, altéreraient les échanges transmembranaires de la cellule. Cela pourrait expliquer que, pour d’autres molécules testées vis-à-vis du VIH, des études n’ont pas trouvé d’activité et/ou qu’une toxicité ait été constatée. Pour Pao pereira cela explique peut être les résultats contradictoires obtenus par l’ANRS en juin 94 ; mais cela ne rend pas compte de la présence d’alcool et d’un PH alcalin (toxiques pour les cellules) dans l’échantillon testé par l’ANRS, puisque Pao pereira ne contient ni alcool, ni produit alcalin !

Au delà de cet aspect technique, qui illustre une partie des difficultés pour extrapoler des résultats obtenus in vitro à la réalité de l’in vivo (nous en avions évoqué d’autres dans STVB n° 4 et 7), on peut aussi se demander si, in vivo, l’utilisation répétée, et surtout itérative de certains antibiotiques contenant de la pénicilline (comme par exemple l’Augmentin®, utilisé parfois par auto-médication pour traiter des sinusites qui sont plus fréquentes chez les sujets séropositifs) ne pourrait pas conduire à une moindre efficacité des médicaments anti-viraux, voire induire une toxicité cellulaire. Il n’est pas question de remettre en cause le bien fondé de la prescription adaptée d’antibiotiques, mais de se demander si l’utilisation répétée, et surtout fréquente, de certains antibiotiques ne pourrait pas être parfois néfaste.