INTÉRÊTS DE L’UTILISATION D’ANTI-MUTAGÈNES CHEZ LES PERSONNES INFECTÉES PAR LE VIH

Il est généralement admis que le maintien de l’efficacité d’un traitement antiviral dépend de la non-mutation des différentes souches virales présentes chez un même individu à un instant donné, ou de la non sélection par la pression du médicament de souches résistantes déjà pré-existantes. De plus, différentes pathologies tumorales (sarcome de Kaposi, lymphomes…) sont beaucoup plus fréquentes chez les personnes séropositives. On incrimine souvent dans ces pathologies tumorales l’immunodépression, même si le sarcome de Kaposi peut être observé chez les séropositifs ayant une immunité encore bien conservée ; mais on oublie souvent que les traitements antirétroviraux utilisés sont, pour beaucoup (AZT, ddI, D4T, ddC), mutagènes [1] – voire cancérigènes – sur des modèles expérimentaux et animaux. Ainsi, dans l’article paru dans STVB N° 30, nous avions cité la référence Cancer Research (1996) 56, 20, 4666-72, où il était rapporté que le ddC augmente la fréquence des lymphomes chez la souris. Concernant l’AZT, des cancers génitaux ont été décrits chez la souris et la rate (lettre d’information du laboratoire Wellcome envoyée à 700 médecins le 04.12.89). Cet effet n’a pas été à ce jour décrit chez l’être humain. Les mutations induites par les antirétroviraux vont se produire, à la fois, au niveau du virus et provoquer des résistances, mais également au niveau du patrimoine génétique cellulaire qui peut conduire à générer des cellules tumorales.
Il apparaît donc logique d’utiliser des substances anti-mutagènes capables de s’opposer tant aux mutations du virus pouvant générer des résistances, que des mutations du patrimoine cellulaire pouvant générer des cancers. Même au stade asymptomatique, chez un patient séropositif en abstention thérapeutique, avec un bilan biologique stable (charge virale et T4 stables), témoin de souches peu pathogènes, l’utilisation d’anti-mutagènes peut permettre, en maintenant stables les souches virales du patient, de maintenir très longtemps le stade asymptomatique. L’action des anti-mutagènes utilisés en complément thérapeutique s’ajoute aux mécanismes anti-mutagènes cellulaires.[2] Compte tenu de la diversité des mécanismes d’action spécifiques à chaque mutagène et antimutagène, il paraît raisonnable d’utiliser, au niveau de l’alimentation et des suppléments alimentaires, une très grande diversité d’antimutagènes. On doit cependant signaler qu’au niveau de l’incidence de la consommation, par l’alimentation, d’antimutagènes sur les risques de cancers, les rares études qui existent n’apportent pas encore de preuve convaincante sur leur utilité,[3] à l’exception du sélénium.[4]

Il nous semble cependant prudent de faire le pari de l’efficacité d’antimutagènes dans le traitement des personnes séropositives. D’innombrables substances antimutagènes existent dans la nature et peuvent être apportées par l’alimentation. Elles appartiennent à différentes familles chimiques : flavonoïdes, coumarines, quinones, polyamines, polyphénols, antioxydants. Parmi les produits naturels courants, citons notamment : le thé, la menthe, le thym, la sauge, l’origan, l’ail, l’oignon, le poireau, le chou-fleur, le curcumin, la chlorophylle, mais également l’urine.[4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11] Parmi les produits pharmaceutiques, dont la plupart se retrouvent aussi dans la nature, citons : les vitamines A, C, E, le Bêta-carotène, l’aspirine, la N-acétyl cystéine, le sélénium.[10, 11, 12] Compte tenu des actions déjà connues du Bêta-carotène, des vitamines C et E et du sélénium sur le virus, et de l’effet extrêmement puissant du sélénium sur des cellules tumorales in vitro et in vivo,[8] nous ne pouvons que recommander l’utilisation de ces molécules comme compléments alimentaires.
En ce qui concerne l’activité mutagène des antiviraux, où la littérature, extrêmement pauvre dans ce domaine, n’a testé que l’AZT, le ddI, le D4T et le ddC, Positifs et l’Institut de Recherche sur les Médecines Orientales du Dr Kuan Hin ont testé en 1997 l’action d’une trentaine de substances naturelles de la pharmacopée chinoise sur l’activité mutagène de l’AZT. Ils ont trouvé que trois substances avaient une très forte activité antimutagène dans le SOS Chromotest, test de référence de la mutagénicité (test non exigé par les autorités sanitaires, pour la mise sur le marché d’un médicament, qui ne demandent que le test d’Ames !). Ce sont, par ordre croissant, le coptis (ou Huang Lian Su, disponible dans les deux « pharmacies » chinoises de Belleville à Paris 11° au prix de 50F les 200 comprimés), le pollen, et le ginseng. Signalons cependant que dans la médecine chinoise, le ginseng est considéré comme une plante chaude dont il faut faire un usage modéré dans le cas d’un processus infectieux ou inflammatoire. Il faut, par conséquent, l’associer à d’autres substances classées froides, soit dans l’alimentation, soit dans la pharmacopée (coptis, notamment).
Des études sur l’ensemble des molécules antivirales disponibles seraient nécessaires pour déterminer leur mutagénicité par le SOS Chromotest, afin d’écarter les plus mutagènes (AZT, notamment), et pour les autres, rechercher les meilleurs antimutagènes à leur associer.
Pour le moment, l’association Positifs ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour faire ces études. Dans ces conditions, elle ne peut que préconiser l’utilisation de la plus grande diversité des substances antimutagènes de l’alimentation, associées à des prises alternées, intermittentes, de sélénium, Bêta-carotène, vitamine E, coptis et pollen.
Concernant les posologies, nous conseillons le sélénium en granion (2 à 3 ampoules par semaine ; certains l’utilisent déjà à raison de 2 ampoules/jour, remboursé par la Sécurité Sociale), le Bêta-carotène sous forme de Difrarel 100® (4 à 6 comprimés par jour, remboursé par la Sécurité Sociale), la vitamine E à raison de 1 à 1,5 g par jour (soit 2 à 3 gélules de Toco 500®, remboursé par la Sécurité Sociale), le ginseng (400 mg/jour), le coptis (ou Huang Lian Su, 1 à 2 comprimés par jour), le pollen (1 cuillerée à soupe/jour). Le ginseng et le coptis seront pris le même jour, en alternance – un jour sur deux – avec le pollen.

Dr J. AVICENNE
Conseiller médical de POSITIFS

Références :

  1. Mamber S.W. et al. Antimicrob. Agent and Chemotherapy (1990), 34, 1237-1243.
  2. Hancharova R.I. Antimutagenesis as a genetic process. Vyestsi Akademi Navuk Byelarusi Syeryga Bujalahichnylch Navuk (1996), 0 (1), 41-49.
  3. Santamaria et al. Caratenoids in cancer, Mastalgia and Aids : prevention and treatment : An overview. J. of Environmental Pathology, Toxicology and Oncology (1996), 15 (2-4), 89-95.
  4. Dorant E. et al. Allium vegetable consumption, garlic supplement intake, and female breast carcinoma incidence. Breast Cancer Research and Treatment (1995), 33, 163-170.
  5. Ferguson L.R. Antimutagens as cancer chemopreventive agents in the diet. Mutation Research (1994), 307 (1), 395-401.
  6. Edenharder R. et al. Inhibitor of the mutagenicity of 2-nitrofluorure, 3 nitro fluoranthrene and 1-nitropyrene by flavonoids, coumarins, quinones and other phenolic compounds. Food and Chemical Toxicology (1997), 35 (3-4), 357-372.
  7. Samejima K. et al. Luteolin : a strong antimutagen against dietary carcinogen, TRP-P2 in peppermint, sage and thyme. J. of Agricultural and Food Chemistry (1995), 43 (2), 410-414.
  8. Stavric B. Antimutagens and anticarcinogens in foods. Food and Chemical Toxicology (1994), 32 (1), 79-90.
  9. Bronzetti G. et al. Antimutagenesis and Anticancer effects. J. of Environmental Pathology, Toxicology and Oncology (1996), 15 (2-4), 59-64.
  10. Waters M.D. et al. Activity profiles of antimutagenes : In vitro and In vivo data. Mutation Research (1996), 350 (1), 109-129.
  11. Friedman M. Food browning and its prevention : An overview. J. of Agricultural and Food Chemistry (1996), 44 (3), 631-653.
  12. Odin A.P. Vitamins as antimutagens : advantages and some possible mechanisms of antimutagenic action. Mutation Research (1997), 386 (1), 39-67.